
Un Bon Cru : préférez-lui
une bonne cuite !

Vous prenez comme fil conducteur 1) une
intrigue oenologique qui peut relever de l’actualité
- une arnaque sur un vin de garage vendu à prix d’or
aux nouveaux consommateurs asiatiques, 2) le cadre bien vendeur
du Lubéron, 3) un cadre de la City éconduit ; vous
obtenez un roman cousu de fil blanc.
Peter Mayle, c’est cet Anglais qui réside en Provence
et qui a su s’en faire le chantre auprès d’un
vaste public back home. On ne laisse pas tarir un tel filon.
Alors on y va. Non plus dans la cigale stéréotypée,
mais dans l’enchaînement benoît de clichés.
Le lecteur est en fait convié à une séance
de daguerrotype, pimentée, il est vrai, d’invraisemblances
limite prendre les lecteurs pour des idiots.
Le héros, qui roulait évidemment en BMW noire, se
voit notifier le même jour, tenez-vous bien 1) son licenciement
– il perd une situation colossale, 2) une lettre de notaire
- lui annonçant qu’il hérite d’une propriété
dans le Lubéron assortie d’un vignoble 3) et son bon
ami le gratifie d’un chèque de 10.000 livres, comme
ça, sans compensation particulière, juste en guise
d’encouragement. C’est ce qu’on appelle une journée
bien remplie.
Dès le lendemain, il quitte Londres qui regorge de nymphettes
plus affriolantes les unes que les autres. En Provence, où
le ciel est plus clément qu’à Londres –
mais si ! mais si ! – il rencontre le surlendemain le notaire
qui s’avère être « la plus belle femme
qu’il ait rencontrée depuis des mois » …
Notre bon cru nous conduit ensuite dans une intrigue tissée
autour d’un assemblage de Fanny, de cigales et de rosés,
avec force descriptions – souvent redondantes – des
atours du Lubéron.
Cela dit, le vrai sujet de cette fiction est intéressant.
La mystification de l’investissement œnologique rejoint
le problématique des faux tableaux. Où s’arrête
l’art, où commence la spéculation ? Malheureusement,
Mr. Mayle n’est pas Roger Peyrefitte ("La Vie Extraordinaire
de Fernand Legros") et ce genre d’essais mérite
une meilleure robe.
Certes nous mangeons des grenouilles. Mais de là à
avaler des couleuvres… Mieux vaut une bonne cuite que ce «
Bon cru ». Même le talentueux traducteur attitré
des Editions du Nil, Jean Rosenthal, ne parvient pas à sauver
l’ouvrage. Le correcteur, quant à lui, a laissé
passer en fin de parcours des fautes de typo peu courantes chez
cet éditeur. Mais on peut comprendre pourquoi il a baissé
la garde.
Jean-Pierre Jumez
Un Bon Cru, Peter Mayle, Editions du Nil. Prix : trop cher.
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