La bière en
partage

On avance en âge (je veux dire, en
général), on croit avoir tout lu, on croit avoir
tout compris. Et paf ! On reçoit un petit bouquin et
on découvre que non, que la soif de découverte
n’est pas étanchée ! Si la vodka régissait
« La Conquête de la
Pologne », notre guide de la cambrousse australienne
sera, cette fois-ci, la bière.
Un instit qui étouffe au fin fond
de l’outback va enfin prendre ses grandes vacances avec
l’argent qu’il a économisé à
grand peine toute l’année (car la bière
siphonne une bonne partie des émoluments). Destination
: Sydney, par un avion qu’il attrapera dans un bourg
situé à cinq heures de train.
Oui mais….

Pour les forces de l'ordre, la modération
est préconisée
Une soirée dans une ville minière
de l’outback, c’est long et c’est chaud.
La bière aidant, l’instit se prend à essayer
un jeu de hasard local, sorte de pile ou face. En quelques
lignes, l’auteur nous fait partager l’enfer du
jeu. Et, on le devine, en quelques heures, notre héros
est ratiboisé.
A partir de là, son sort est scellé
par les capsules de bière, car dans l’arrière-pays
australien, on peut trousser la femme d’un pécore
local, on peut lui piquer son portefeuille, on peut lui démolir
sa voiture, mais on ne peut lui refuser de partager une bière.
Bouchers éméchés
Toutes ses vacances se réduiront donc
à cinq matins de gueule de bois épouvantable,
faisant suite à d’effroyables beuveries accompagnant
les rites locaux : tantôt honorer une jeune fille en
manque, tantôt massacrer les kangourous au cours d'une
véritable boucherie/beuverie au phare et à la
bière – et l’on imagine très bien
comment ont été décimés des pans
entiers de la civilisation aborigène.
La recette d’un bonheur littéraire
reste à découvrir. Vous allez engloutir la fraîcheur
moussue de ce voyage avorté.
Jean-Pierre JUMEZ
Kenneth Cook : Cinq matins de trop. Littérature
Autrement – 14 euros en France métropolitaine.