La Conquête
de la Pologne
40° Est

C’est bien pratique, l’alcool.
En plus de toutes les vertus (et – admettons-le –
quelques vices) qu’on lui connaît, en voici
une nouvelle fonctionnalité : le voyage.
La conquête de la Pologne est un voyage
virtuel dans une contrée lointaine. Entendez : il
s’agit de s’échapper et non, bien sûr,
d’arriver. Mais pourquoi donc la Pologne ? Tout simplement
parce que la vodka polonaise est dispo à peu près
partout dans Paris, lieu de pérégrination
de l’auteur.
Détonnant voyageur, cet auteur ! A
23 ans, il se révèle un habile manipulateur
d’idées et de mots. "Le Polonais s'était
enfilé son verre en une durée négative"
; "l'ivresse n'était plus le handicap que je
traînais, mais une surconscience du monde"; "la
vodka dans ma poche avait baissé à mort, mais
il m’en restait assez pour me refaire une santé
».
C'est pas de la musique, ça ? Nasdrovia
!

Paul Jimenes, 23 ans : les voyages
forment la jeunesse
"Moscou-sur-Vodka" (Venedict
Erofeief) avait précédé cette Conquête
en 1969, où l'auteur voyage - réellement -
entre Moscou et Koursk, mais la polonaise est ici ressentie
plus créatrice que la russe (nous parlons bien de
vodka, évidemment). Il est vrai qu'il n'est pas possible
de comparer une traduction et une oeuvre originale, quel
que soit le traducteur. Moscou-sur-Vodka est, pour les Russes,
un classique.
Une réflexion pourrait d’ailleurs
servir d’exégèse à ce petit bijou
: « le but ultime du voyage, ce n’est pas une
destination géographique. Il n’y a de voyage
qu’intérieur, le reste est déplacement.
Je suis la destination inaccessible de ce voyage. Chacun
de mes pas me découvre et me dérobe à
la fois".
Vous l’aurez compris, on l’a
dégustée, cette conquête !
Une nouvelle plume française est
née. L’alcool est flatté.
A. LEONCE-LABOIE
La Conquête de
la Pologne, Paul Jimenes, Flammarion,
16 euros (en France métropolitaine)
* A noter que Paul Jimenes contribue à
Armes & Cycles, un site qui vaut vraiment le jus.
Rebonjour le surréalisme. Pas piqué des verres.
P.S. : dans ce registre, ZANAHORIAS VALODORAS
("Carottes volantes") fait actuellement un tabac
en Colombie. Antonio Ungar a 31 ans et décrit la
tentative d'auto-destruction par l'alcool d'un être
trop sensible pour être viable. Editions Alfaguara,
Bogota (non traduit)