La nostalgie agit

Ici, nous avons affaire à un
virtuose qui pose un canevas sur son chevalet et qui
crée une belle composition. Tiens ! Aujourd’hui,
croquons la nostalgie des bistrots d’antan !
Et hop ! En trois coups de cuillère à pot, notre
artiste pond un petit bijou.
Sur une centaine de pages, il étale un obscur clair entre
les baudets « au bout d’une corde qui, le kiki serré
d’angoisse, taquinent le CAC 40 » et les pocehtrons
touchés par la grâce car « on ne voyage bien
qu’au café ». « Il n’est d’aventures
et de vagabondages vraiment souverains » ajout-t-il, «
que par les cafés et par le vin et jamais ne pourra rivaliser
avec de tels enchantements aucune des absurdes chevauchées
ou cavalcades polaroïd des petits Marius avaleurs de fuseaux
horaires ». L’intrigue est posée.

Aquarelle de Gérard
Le Gentil
En toile de fond, l’artiste brosse un complot ourdi par
« le clan des alcooliques mondains qui a sorti de son
chapeau claque la grosse ficelle de l’éthylotest
». Le but est de « faire passer au bon bougre toute
envie de se réjouir le cœur en bonne compagnie et
peut-être aller puiser dans la profonde sagesse du vin
un nouvel esprit de révolte ». En effet, rappelle
l’auteur, toutes les révolutions ont été
fomentées dans les bistrots. Voyez Robespierre dans les
bouges du Palais-Royal ; Danton et Marat au Procope ; Camille
Desmoulins au Café de Foy ; Vladimir Illitch Oulianov
au Café d’Orléans, Modigliani ou Cendrars
au Dôme ; Trotski à la Closerie…
Evidemment, la thèse du complot est un poil captieuse
car l’Internet est aujourd’hui une arme autrement
redoutable.
Mais peu nous importe ! La miniature est parfaitement réussie
et remplit son rôle littéraire.
Une fois encore dans l’édition
dédiée aux choses sérieuses (les vins et
spiritueux), la maîtrise de la langue française
est magnifique. Les tournures sont élégantes,
même les plus gouailleuses. La dictée de Pivot
pourrait même y piocher quelques colles. Tenez, ajouteriez-vous
un « s » dans « les vrai de vrai » ?
A. LEONCE-LABOIE
Friterie-bar Brunetti, Editions
l’Arpenteur (Gallimard) 10,50 euros en France métropolitaine.